J’ai comme un gros coup d’humeur, là.
J’ai reçu, cette semaine, comme beaucoup d’autres acheteurs du Courrier Vinicole, une facture pour le solde final de la commande des Grands Vins de Bordeaux 2005, un solde qu’il faut confirmer avant la fin du mois et qui sera ensuite réglé en août, pour que nous puissions prendre livraison des précieuses bouteilles en octobre. Tout ça après avoir attendu deux bonnes années que le vin, acheté en primeur, soit mis en bouteilles et livré jusqu’ici.
Qu’est-ce que je recevrai, précisément? Sais plus. Je trouve plus le papier, perdu dans des strates poussiéreuses dans mon bureau. Me semble qu’il y a du Haut-Bailly, du Ferrière, peut-être du Gruaud-Larose. Ça sera bien bon à boire, j’en suis sûr. Peut-être même bien que ce sera excellent. Voire mémorable.
Mais je reste collé avec cette désagréable impression de m’être fait pincer, de m’être laissé emballer par la machine du millésime-le-plus-fantastique-jamais-vu-depuis-toujours… enfin, depuis 2000, ou 1995, enfin un vraiment bon millésime, on en est sûr. D’avoir succombé à l’amplification du marketing, plus qu’à la valeur intrinsèque du jus qui se trouve dans les bouteilles.
Je me rappelle qu’avec mon ami Frédéric, on avait discuté de notre achat de primeurs, peu après la conclusion de la vente, en 2006. On en ressortait tous les deux avec un petit arrière-goût un peu âcre et bien peu de plaisir, au total. On avait tous les deux pas mal décidé que ce serait notre dernier tour dans cette galère des primeurs.
Attendre deux ans pour pouvoir toucher ses obligations d’épargne bouteilles de vin, c’est peut-être bien pour un investisseur, mais ça, je n’en serai jamais un, dans le sens vinicole du terme. Ce que j’achète, c’est pour le boire, maintenant ou plus tard, autant que possible sans avoir la main qui tremble parce que j’ai l’impression de gaspiller un bout de mon fonds de retraite.
En recevant, ce soir, une liste d’arrivages de Bordeaux à la SAQ Signature de Montréal, ma déprime face à cet achat impulsif de 2006 ne fait qu’augmenter. Si vous vous y rendez jeudi matin, vous y trouverez du Haut-Brion 2005 pour 750$, du Pontet-Canet 2001 pour 980$, du Latour 2001 pour 1180$, Le Pin 2005 pour 1670$, j’en passe et d’autres bien salées, merci.
Tout à coup, le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 2000 prend des airs d’aubaine, à 107$ la quille. Et que dire du petit Crozes-Hermitage Les Palignons, des Vins de Vienne, dont on peut se payer deux caisses pour le prix d’un seul petit Haut-Brion. Ou encore une quinzaine de Saint-Joseph de Chave, toujours pour le prix d’un seul Haut-Brion.
C’est pas que je veux gâcher le plaisir de tous ceux et celles qui ont fait leurs achats en primeur, mais si c’était à recommencer, je pense que je prendrais quelques Saint-Joseph de Chave, quelques Crozes, voir quelques vins de pays sympathiques, bons à boire tout de suite. Et à votre santé à tous.
Salut
Je compatise avec vous.Le monde du vin est devenu complètement fou et les consommateurs le sont devenus tout autant.
depuis longtemps j’adore le vin,je me documente beaucoup et j’achète bien mais je deviens pas fou avec ça.Quand je vois la gang du blog des fous du vin qui achètent du vins à coup de milliers de dollars et que je vois que les moyennes des québécois vivent à 120 % de leurs capacités de payer,j’ai beaucoup de mal à comprendre.J’ai bu de très grands vins qui donnent des buzz incroyables mais je garde mes pieds sur terres et je ne peux me résoudre à mettre autant d’argents pour du liquide. C’est pour cela aussi que j’essaie d’encourager les vignerons qui garde aussi les pieds sur terre pour ce qui est de leurs prix car il y a tellement de bons vins à un prix résonnable. Salute.Richard
[…] suffisamment agréable, en tout cas, pour remettre un blogueur de sa déprime bordelaise… Publié […]
Pourtant, la règle des achats en primeur est bien claire… Au moins en France : l’acheteur paye la TVA en vigueur au moment de la livraison, soit +19,6 % actuellement. Si on ne flambe pas au moment de l’achat, ça reste raisonnable au moment de la livraison.
Ceci dit, j’ai testé les primeurs en 2005, en restant exclusivement sur des maisons sérieuses (Soutard, Chasse-spleen, Fieuzal, …) qui n’avaient pas pris la grosse tête avec ce 3ème millésime du siècle. Les autres se sont volontairement rendues inaccessibles à l’acheteur français, ils peuvent don se garde leurs 2006 médiocres et leurs 2007 assez moyens, dont les prix ne sont pas revenus au niveau de 2004 (même majoré de l’inflation). On verra pour les 2008 …
Je suis d’accord pour ce qui est de la clarté des règles. Ça n’empêche pas d’avoir l’impression de se faire mener en bateau, comme votre commentaire sur les prix des 2006 et 2007 le confirme…