Vendanges 2010: Quand le Québec rattrape la Californie

Ce weekend et le suivant (soit les 4, 5, 6 et 11 et 12 septembre), ce sera la Fête des vendanges, à Magog, dans les Cantons de l’Est. J’ai toujours trouvé rigolo que la fête des vendanges soit toujours avant les vendanges (ça aide les vignerons à être disponibles, remarquez…), puisque le raisin québécois se récolte plus vers octobre que vers le début septembre, habituellement.

En cette année chaude et ensoleillée, jamais ce festival du vin et de la gastronomie n’aura été si proche des vendanges elles-mêmes.

Des grappes de pinot noir au vignoble Closson Chase, dans Prince Edward County, le 8 août dernier. Moins avancée que le Niagara, cette région située à l'ouest de Kingston a également connu une saison exceptionnelle, cette année.

En effet, le millésime 2010 est remarquablement hâtif, dans le nord-est du continent nord-américain. En Ontario et dans l’État de New York, les vendanges ont commencé officiellement la semaine dernière: des récoltes de pinot noir et de chardonnay pour la production de vin mousseux, dans le Niagara et sur Long Island. À noter, les raisins pour le mousseux sont récoltés à une maturité moindre que ceux des vins tranquilles, pour obtenir plus de fraîcheur et d’acidité, mais les premiers coups de sécateur se sont tout de même donnés un bon trois semaines plus tôt que  l’année dernière, où la chaleur était un brin rare. Pour les vins de table, de premières récoltes de pinot noir, un cépage rouge à maturité hâtive, et de chardonnay pourraient avoir lieu dans le Niagara dès la fin de cette semaine ou le début de la suivante.

Au Québec, on n’en est pas tout à fait là, bien entendu, mais on a aussi un bon deux semaines d’avance sur les moyennes – et près d’un mois par rapport à 2008 et 2009, deux millésimes pour le moins exigeants. Anthony Carone, producteur de vin rouges surprenants au vignoble du même nom, me confiait via Facebook que la véraison (le changement de couleur des raisins, début du mûrissement des baies) avait commencé le 24 juillet dans ses champs de Lanoraie, au nord-est de Montréal. Au Vignoble des Pervenches, à Farnham, la véraison a commencé envrion une dizaine de jours plus tard. De quoi rendre les vignerons optimistes, même si, prudemment, personne ne veut encore tirer de conclusions avant que les raisins soient à la cuve. Il peut encore se passer bien des choses, au cours du prochain mois, avant que le verdict final ne puisse être rendu.

La belle saison a déjà bien des avantages, pour les vignerons québécois. Les coups de gel printanier, sans être catastrophiques, avaient tout de même fait du dommage aux bourgeons, ce qui laissait présager des rendements réduits. Toutefois, grâce à la chaleur et au soleil, il devient possible de laisser plus de grappes sur chaque vigne, tout en étant sûr de mûrir le raisin. Habituellement, une vendange verte significative (on coupe des grappes vertes pour donner une chance aux autres d’arriver à maturité) est essentielle pour mener le processus à terme. En coupant moins, cette fois, le compte final s’équilibre de façon avantageuse. En prime, l’avance prise donne une marge de manoeuvre intéressante: il sera plus facile d’attendre quelques jours pour récolter, au besoin, par rapport à des années où on assiste à une course entre la maturité et le retour du gel.

Ces dates hâtives ont créé une étrange conjonction entre le Québec et la Californie. En effet, assaillie par une saison particulièrement froide et pluvieuse, la Californie voit venir une de ses vendanges les plus difficiles et les plus tardives. À Napa Valley, Cathy Corison, une des meilleures productrices de cabernet sauvignon de l’État, rapportait sur Twitter que la véraison avait commencé autour du 2 août dans son vignoble Kronos, sa parcelle la plus réputée. Et en Oregon, à la même date, la véraison n’avait même pas encore commencé. Même dans le sud de la Californie, l’inquiétude reste palpable, malgré un coup de chaleur, ces derniers jours… un coup de chaleur capable d’endommager les grappes déjà passablement éprouvées.

Se dire que la maturité dans les vignobles québécois égale ou dépasse celle des vignobles de Californie ou d’Oregon, voilà qui est pour le moins inhabituel. De quoi faire sentir le caractère exceptionnel du millésime qui s’annonce, pour notre coin de continent.

La Côte Ouest est toutefois l’exception. En général, cet été, il a fait chaud dans l’hémisphère nord et la saison estivale a de l’avance. En Europe, les vendanges 2010 ont débuté le 2 août, en Andalousie, suivi de près par le sud du Portugal, puis par le Roussillon et d’autres régions du sud de l’Europe. Un peu plus au nord, un printemps pluvieux et des périodes fraîches en août, mais beaucoup de chaleur en juin et juillet, ramènent les choses plus près des moyennes. Une petite semaine de retard, à Bordeaux, où la récolte des blancs devrait commencer à la fin de la semaine. Comme dans le Niagara, quoi.

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