Vendredi du Vin 18: La lumière dans le verre

(Note: la synthèse du 18e VdV, avec liens vers les blogues des participants, est en ligne ici)

Pour trouver du pinot qui pinote, conformément au thème que j’avais mis de l’avant pour le 18e retour des Vendredis du vin,  j’ai fini par en boire toute la semaine. Trois bouteilles, au total, à la recherche de ce pinotement (et non de ce pinotage, que peu de vignerons sud-africains savent faire pinoter) qui fait le bonheur du buveur de pinot.

Ça s’est commencé en Suisse, avec le Pinot noir 2006 AOC Chamoson de René Favre Fils. La petite cuvée de ce producteur dont la grande (cuvée), le Renommée Saint-Pierre sait faire compétition à un Chambolle-Musigny sans sourciller (et à moindre prix). Mais parlons de la petite, dans un millésime exigeant, il faut bien le dire.

Au nez, de la cerise bien mûre, avec une belle ampleur, un brin de poivre pour épicer le tout, et une toute petite touche de cette fameuse violette (pour vous faire une idée, pensez aux violettes cristallisées). En bouche, belle rondeur, au départ, avec la cerise bien au centre et un enrobage de caramel. En finale, toutefois, une amertume un peu forte vient assombrir un vin qui était au départ plutôt ensoleillé. Pressé un peu fort, peut-être, l’ami pinot? La couleur assez foncée, la robe dense laisse penser que des pépins ont peut-être été un brin coincés et on livré une verdeur qu’on aurait pu éviter. Le 2005, plus mûr, n’avait pas le même degré d’amertume, même si l’extraction y était aussi assez marquée.

Comme quoi il faut y aller doucement, avec ce cépage qui apprécie la douceur et la finesse, mais qui n’est pas pour autant délicat. Il peut avoir de la fermeté et de la persistance. Du tonus, de l’épice, du tannin. Genre main de fer dans le gant de velours.

Côté velours, le Beaune Les Bons Feuvres 2006 du Domaine Billard Père et Fils, excellent producteur dont les blancs sont aussi très brillants (je pense entre autres à un très beau Saint-Romain dégusté cet été, droit et fier et tout de même joliment enrobé) s’est révélé mieux aligné sur ce pinot pinotant que j’apprécie tant. La robe très claire, limpide, quelque part sur la pivoine était très invitante, tout comme ce nez tout en griottes, ample, lumineux, qu’un rien de torréfaction venait encadrer. La bouche correspondait en tout points au nez, ce qui est une bonne chose, avec une belle ampleur et encore, cette impression d’ouverture et de clarté. Le pinotement serait-il synonyme de limpidité, tant visuelle qu’olfactive et gustative?

Les trois pinoteurs du Vendredi

Les trois pinoteurs du Vendredi

C’est en tout cas le même genre d’ouverture et de clarté qui m’attendait dans le très beau Pinot Noir Napa Valley 1996 de Robert Mondavi, une bouteille qui célébrait le 30e anniversaire du domaine du grand Bob, disparu au printemps. Un millésime de petite récolte, avec des baies bien concentrées, dit la contre-étiquette, et un vin fermenté strictement sur ses levures indigènes, avant d’être élevé en petites barriques de chêne français. Pas de filtration non plus. Pratiquement un vin naturel, à l’aune de la production Californienne. Le tout avec un souci d’équilibre: dans une année de baies au jus bien concentré, 13,5% d’alcool, alors qu’on entend des Californiens, aujourd’hui, trouver que des pinots à 14% sont modérément alcoolisés, tandis que plusieurs font monter l’alcool à plus de 15%, presque comme un vin doux naturel.

Le pinot de Robert Mondavi, avec ses débuts d’orangé dans la robe, lui donne raison sur les gonflés d’aujourd’hui. Clair, vivement aromatique, soyeux, le vin livre, avec une maturité entière, des notes de violette, de cerise (avec le noyau), de foin frais coupé, avec un peu de cuir, de terre et une touche de café (vraisemblablement venue des petits fûts bien grillés). Les tannins sont soyeux et fondus, la longueur est bonne et, si une certaine chaleur envahit la bouche à l’attaque (il n’aurait pas fallu aller chercher 14% d’alcool), celle-ci cède la place à une finale subtile où le fruit ressort au-dessus de l’humus et du tabac. Belle complexité, belle tenue, toujours avec cette impression d’ouverture et d’espace ensoleillé.

Oui, vraiment, ça me semble de plus en plus clair. Bien au-delà des saveurs et arômes de cerise et de violette, c’est cette lumière dans le verre qui nous fait dire qu’un pinot pinote. Une lumière qui brille encore longtemps, longtemps dans la bouteille qui dort à la cave. Chi va pinot va sano et va lontano, comme diraient (presque) les Italiens.

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2 commentairesLaisser un commentaire

  1. […] Vendredi du Vin 18: La lumière dans le verre | Blogue: À chacun sa bouteille. […]

  2. Alors, notre président du mois a passé un très bon vendredi. Quelle chance d’avoir trouvé un pinot californien qui n’est pas trop alcoolisé comme aujourd’hui.


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