La force du dollar canadien a redonné de l’ampleur à une catégorie de vins que je croyais à toutes fins pratiques disparue du répertoire de la SAQ: le vin à moins de 10$. Et je ne parle pas seulement de vin à 9,90$, mais bien de vin sous les 9$, voire même sous les 8$. Le répertoire de la SAQ, sur Internet, vous montrera ces jours-ci quelque 165 vins de table, en bouteilles de 750 ml ou plus, vendus à moins de 10$. Une vingtaine de ces vins sont vendus à moins de 8$.
Le mois de janvier, saison des portefeuilles dégarnis, m’a semblé un moment pertinent pour explorer un peu ce que cette gamme de prix pouvait offrir. Y a-t-il des perles? Peut-on faire l’impossible et produire du bon vin pour si peu?
Après tout, il faut se souvenir que, pour un vin à ce prix, le coût de la bouteille, du bouchon et de l’étiquette est nettement plus élevé que celui du vin qu’on y a versé. Dans le prix demandé par le producteur, le vin compte peut-être pour 20 ou 30 centimes d’euro (30 à 40 cents canadiens). Le transport, les taxes et autres multiplicateurs s’appliquent après tout ça.
Cette semaine, je suis donc allé chercher trois rouges « budget » sur les tablettes de la SAQ: un français, un espagnol et un italien.
Le français était un cabernet sauvignon, Vin de pays de l’Hérault 2006, du Domaine Caton. Un peu de fraise, des tannins rudes, un nez indistinct. Un aspect herbacé, avec une amertume marquée en finale et une présence assez marquée des sulfites. Visiblement, un vin de rendement élevé, pressé très fortement pour en extraire un peu de matière. Sur le site du Domaine, le vin en question n’est pas mentionnée parmi les nombreuses catégories de vins vendues par la maison. Je ne m’en vanterais pas, moi non plus, remarquez.
L’espagnol, le Boñal 2005 de Bodegas Real, un tempranillo du Valdepeñas, a fait un peu mieux. Sous un nez de macération carbonique porté sur la banane, il y avait aussi de la prune et une impression de confiture et de sucre en poudre. La robe était d’un joli grenat, les tannins un peu rudes encore, mais sans amertume excessive. Encore une fois, un peu de soufre au nez, moins avec l’aération.
C’est le Sicilien, le Nero d’avola Giacondi 2005, à 8,20$, qui m’a fait la meilleure impression. De la cerise noire, un peu de fruit séché, une bonne concentration, des saveurs mûres. Simple, pas particulièrement distinctif, mais on s’en ressert un verre sans hésitation. Dans ce cas, je peux vraiment parler de bon rapport qualité-prix.
Il y a évidemment quelques avantages à boire des vins à aussi petits prix. Aucune culpabilité à s’en servir pour déglacer une poêle ou pour mijoter un ragoût, ni à en boire accompagnés de chips barbecue (un marsannay avec le même chip, ça fait un peu dommage…). Et si on a un budget limité, on sera très heureux de se trouver un vin beau, bon, pas cher.
Toutefois, vu les résultats de mon échantillonage, je serais personnellement porté à ajouter deux ou trois dollars par bouteille: à 10 ou 11 dollars, le choix est non seulement plus grand, mais aussi plus satisfaisant. Un Borsao, à 11,45$, vous donnera une rondeur et une typicité que les vins à deux ou trois dollars de moins n’offrent tout simplement pas. Et personnellement, à choisir, je préférerais nettement boire une bouteille de Duas Quintas, autour de 18$, que deux Domaine Caton. Buvez moins, buvez mieux, qu’ils disaient…
Ceci dit, la présence des vins à prix très doux met par ailleurs un gros bémol sur les critiques très fréquemment formulées à propos des prix élevés offerts par la SAQ. Un petit tour sur le site du détaillant de vins Nicolas, en France, vous montrera bien quelques vins entre 2 et 3 euros la bouteille. Il s’agit toutefois de vins de pays français, sans prestige ou appellations, aux volumes de production importants et surtout, de vins qui n’ont pas à être transportés bien loin ou à passer de douanes et de barrières tarifaires, ce qui minimise passablement les coûts. Les vins chiliens ou argentins – et même ceux des voisins italiens ou espagnols – vendus en France par Nicolas coûtent plutôt un minimum de 4 ou 5 euros, ce qui est assez près du plancher de 7$, à la SAQ, pour des vins qui ont immanquablement traversés un océan pour arriver chez nous. Bref, pour du comparable, la différence n’est pas nécessairement si grande.
À l’autre bout du spectre, il m’est arrivé souvent de voir, à New York, Londres, Paris, Dublin ou ailleurs dans le monde, des grands bordeaux ou des grands crus italiens vendus au même prix ou même passablement plus cher qu’à la SAQ. À Mexico, il y a un an, j’ai été assez surpris de voir que des vins espagnols de Torres, par exemple, coûtaient plus cher là-bas qu’ici. Quand le dollar canadien ne valait que 65 cents américains, j’ai fréquemment vu le même chiffre sur des châteaux bordelais, dans des boutiques américaines comme à la SAQ: autrement dit, un deuxième cru classé vendu 55$ à la SAQ était vendu 55$ US chez les marchands de vin américains, ce qui valait un bon 80$ canadiens…
La comparaison est évidemment anecdotique, pas systématique. Mais elle me semble souligner que ces écarts de prix entre le Québec et ailleurs dans le monde ne sont pas nécessairement aussi dramatiques qu’on le dit souvent. J’y reviendrai sûrement.
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