
La bouteille de Wehlener Sonnenuhr jouant au cadran solaire qui lui donne son nom (Sonnenuhr) sur ma table de jardin.
Pour moi, toutes les raisons sont bonnes pour replonger le nez dans un riesling allemand de qualité. Ce mélange unique d’acidité et de sucre résiduel, ces arômes exubérants sur une structure subtile mais bien solide, tout ça vaut amplement le détour.
Je remercie donc d’autant plus Iris Rutz-Rudel, du Domaine Lisson, d’avoir eu l’initiative de relancer les Vendredis du vin, tombés en dormance depuis l’année dernière, alors que l’enthousiasme et la participation s’étaient un peu étiolés. Et bravo aussi d’avoir offert la présidence de ce 25e VdV à Mathieu Turbide, le Méchant Raisin lui-même, qui a visé à un endroit que personne n’attend vraiment: les vins demi-secs, merveilleux monde interlope (ou en tout cas, intersucre) qui recèle d’innombrables trésors qu’on fouille trop peu, de nos jours. Le changement de garde semble avoir réveillé des blogueurs qui dormaient, comme en témoigne la page Facebook des VdV, où plusieurs blogueurs jusqu’alors inconnus de l’événement ont contribué à la dégustation collective.
Petite parenthèse, l’appellation de vin demi-sec me semble presque ironique, puisqu’il y a de nos jours des paquets de vins « secs » qui ont un sucre résiduel évident et une impression de richesse accrue par l’alcool plus élevé, au point qu’on serait parfois tenté de les appeler demi-secs. Il y a quelques zins, shiraz et grenache auxquels je pense spontanément qui se qualifieraient, à mon avis. Mais nous ne sommes pas là pour faire de l’éditorial, plutôt pour déguster du vin tombant sous la définition générale du demi-sec.
L’affaire aurait facilement pu tourner au Vouvray, si j’avais pu mettre la main sur une bouteille de demi-sec ou de moelleux du Domaine Huet – mais quelques problèmes de géolocalisation de l’application iPhone de la SAQ et un horaire un peu chargé m’ont empêché d’y parvenir. Ceci dit, se rabattre sur un Auslese Wehlener Sonnenuhr 2007 de la maison Studert-Prüm, domaine réputé de la Moselle, c’est loin d’être un prix de consolation.
Notre souper d’hier soir, avec Doug Cook et Rachel Black, en visite depuis San Francisco, nous a donné l’occasion de déguster ce riesling très aromatique en deux temps. En appréciant les arômes intenses de pêche et de kérosène, nous nous sommes dit que ce serait nettement mieux pour l’environnement si c’était ce genre d’hydrocarbures qui s’échappaient dans le golfe du Mexique. Faisons un voeu, tiens.
Premier service, le riesling faisait très bien l’affaire avec un assortiment de fromages québécois, en particulier avec un kenogami qui faisait un peu office de munster. Le Cap-Rond, chèvre cendré de la Ferme Tourilli, répondait aussi bien à l’appel, en mettant en valeur le côté minéral, pétrolé du vin. Même s’il a un bon taux de sucre résiduel, l’auslese – catégorie de vendange tardive venant après le kabinett et le spätlese, dans la classification allemande – n’a pas le gras des vins véritablement liquoreux, ce qui offre un mariage équilibré avec les fromages. Pas de lourdeur ici, c’est plutôt la fraîcheur et la structure qui s’expriment.
Puisqu’il y a le sucre, on a aussi tenté le coup avec le dessert, un pouding traditionnel aux fraises (une pâte blanche simple en surface, les fraises dessous). Cette fois, c’est le fruit qui s’exprimait pleins gaz, si j’ose dire, donnant un éclat brillant aux arômes de fraise du dessert. Le côté givré du vin qui ressortait ainsi très joliment.
Le riesling, après tout, est un vin plus polyvalent qu’on pourrait le croire. Je le verrais bien avec une truite et on sait que ça fait bien avec les charcuteries et la choucroute. J’en ai même servi avec du boeuf – mariné dans le riesling, il faut bien le dire. Essayez, vous verrez, c’est une belle façon de sortir de l’ordinaire.
En me disant que j’aurais aimé le voir vieillir (il va falloir que j’aille chercher une autre bouteille pour la mettre à la cave), je lève mon dernier verre à la santé des Vendredis du Vin, que j’ai été heureux de coordonner pendant une bonne année. En espérant qu’il y en ait au moins 25 autres à venir et au moins 25 blogueurs pour chaque édition. Santé!
[…] This post was mentioned on Twitter by Doug Cook and Doug Cook, Rémy Charest. Rémy Charest said: Mon billet du Vendredi du vin 25: pêches, kérosène, fromage et dessert. http://tinyurl.com/23zq6jm Merci à @mechantraisin et @domainelisson […]
Merci, Rémy, pour cette belle dégustation d’un vin de mon pays d’origine. J’adore aussi cet équilibre entre le sucre et l’acide, qu’on trouve à mon goût encore trop rarement dans les Riesling d’Alsace.
La définition du demi-sec mériterait à mon avis encore plus qu’un éditorial – mais moi aussi, je n’avais pas assez de temps, pour le faire ce-coup-ci. Mais la synstèse des deux douzaines contributions de ce Vendredi du Vin permettra peut-être, de s’en approcher. C’est cela aussi, le côté intéressant de l’évènement:-).
Je suis curieuse, ce que nous réservent les prochains Vendredis. Les jeux à la candidature sont ouverts!