Il me restait un long mot à dire sur une très belle rencontre effectuée pendant mon séjour en Valais, pendant le temps des Fêtes. Une visite à l’échoppe de Christophe Abbet, sur la rue principale de Martigny-Bourg, la vieille partie de cette sympathique ville valaisanne aux lointaines origines gallo-romaines – comme en témoigne entre autres un bel amphithéâtre du IIIe siècle.
Le nom de Christophe était apparu dans mes lectures bloguesques, au cours de la dernière année, en particulier sur le blog d’Olif puis, juste avant de partir vers la Suisse, sur celui de Laurent et de ses Vins confédérés. À la lecture de ces succulentes descriptions, le rendez-vous me semblait obligatoire.
Au téléphone, l’Abbet en question s’est d’abord montré réservé. Même chose quand nous avons traversé la porte de sa jolie boutique, où une longue table figure en pièce maîtresse, avec des traces de verres témoignant de sa fonction conviviale et dégustatrice. Des aménagements d’herbes et fleurs séchées et de bouteilles suspendues donnent à l’endroit une atmosphère tout à fait originale.
Mais en servant les vins et en en discutant, Christophe s’est réchauffé, devenant un peu plus volubile, en gardant toujours une certaine réserve à propos de ses vins, attendant, dirait-on, d’observer la réaction de ceux qui dégustent.
Je ne peux pas lui donner tort dans son attitude, celle d’un vigneron qui laisse d’abord ses vins parler. Et eux, ils en ont, de la causette. De la conversation vive et brillante, avec de la personnalité à revendre. Des vins entièrement cultivés dans des vignobles de Fully, sur des coteaux très ensoleillés situés au nord du Rhône. Des cuvées qu’il me tarde déjà de goûter de nouveau. Des vins dont je me ferais bien des amis pour la vie – et du vigneron aussi.
Voici donc, ci-dessous, les notes de dégustation de cette fabuleuse matinée, partagée avec mon beau-père et mon beau-frère, mais aussi avec d’autres amis de Christophe qui s’étaient assis à table pour prendre part à cette belle communion.
Fendant 2007, Fully
Nez clair et aromatique, acidité franche, droit, rafraîchissant. Belle minéralité. Pas de fermentation malolactique, pour garder la fraîcheur.
Arvine 2006
Belle salinité en finale, arômes de rhubarbe et agrumes, dit Christophe Abbet, et je suis plutôt d’accord. J’ajouterais aussi du fruit de la passion. Acidité très franche (pas de malo, comme le fendant), ce qui n’empêche pas d’avoir une très belle richesse aromatique. Serait très intéressant à voir vieillir longuement.
Gamay Les Avasiers 2007
Un fruit abondant (de la confiture de fraises plein le nez) sur un lit minéral ferme et une belle structure. Des tannins juste bien placés. Bon, savoureux, significatif.
Gamay vieilles vignes 2006
Nez plus épicé, voire poivré, accents étonnants de fruits, voire de fleurs. On a presque du mal à croire que c’est aussi du gamay. Pieds de vignes différents, possiblement, sur un sol différent : on est toujours dans la même commune, mais à des grandes distances aromatiques.
Humagne rouge 2006
Nez sur la cerise et les fleurs (le géranium, lance Christophe), belle intensité en bouche, du tannin bien présent mais assez velouté. Personnellement, je croyais que c’était du pinot, à première vue. Mais après avoir appris l’identité du cépage, je constate en y regoûtant une acidité, une petite astringence et une touche d’amertume poivrée qui correspond bel et bien à l’humagne. Évidemment, c’est facile à dire, après.
À propos d’ailes 2005
Un gamay qui titre 14 degrés d’alcool, sur un millésime bien chaud et ensoleillé. Un peu confituré, mais toujours équilibré, avec un profil aromatique quelque part entre les deux gamays précédents. Élevé en barriques, ce qui paraît dans la structure du vin.
Syrah 2007
Une syrah au nez bien poivré, mais avec aussi pas mal de foin coupé et du fruit plutôt noir, derrière. Longue macération sur les peaux – huit mois ! – bien après la fermentation, à la fraîcheur de la cave. Résultat, bien de la matière, mais sur un mode qui reste plutôt enrobant.
Syrah 2006
Bonne démonstration de tout l’écart qu’il peut y avoir, chez Abbet, entre deux vins d’un même cépage. On reste bien en syrah, mais la texture, les tannins, etc., tout s’applique différemment. Le fruit m’a semblé plus à l’avant-plan, sur un ensemble plus charpenté.
Christophe Abbet fait aussi, dans une originalité totale, à ma connaissance, dans le monde valaisan, des vins oxydatifs, longuement élevés en barriques, dont la profondeur et l’intensité aromatiques sont tout simplement renversantes. Avec une diversité de tonalités, du très oxydatif au plus liquoreux, qui a en soi de quoi étonner.
Marsanne 2003
Sur l’abricot et le coing, avec un beau nez oxydatif. Un peu de caramel. Enveloppant et chaleureux. Pour moi, un vrai bonheur.
Marsanne 2000.
Cette fois, en sec, sur un profil plus jurassien : savoureux, bien oxydatif, robe plus claire (moins de sucre pour caraméliser et brunir, explique Christophe Abbet), plus austère. Amande et noisette, rancio… un pur et dur dans le style.
Ambre 2001
Le plus sucré de ces trois vins surmaturés et oxydatifs, mais aussi le plus ensoleillé et le plus vibrant, grâce à une bonne dose d’arvine, assemblée à la marsanne, qui vient donner un côté orangé très pûr et rehausser l’acidité. Orange confite, avec un peu de l’amertume d’écorce, sur un beau caramel. Racé, brillant, avec une personnalité bien campée et une fraîcheur étonnante, pour un vin oxydatif. Magnifique.
Merci beaucoup, Christophe. On se reparle avant longtemps, j’espère.
Ah! Une communion avec l’Abbet! Tous les mécréants du monde en rêvent!
bonsoir Remy,
l’humagne rouge est un cépage que j’aime beaucoup. Quand le vin est réussi, et cela arrive de plus en plus souvent, on perd de vue la sempiternelle rusticité qui semblait acquise ad vitam eternam, et on évoque la réelle finesse, le fruité subtil du vin, et nombreux sont ceux qui à l’aveugle pencheraient pour un vin de pinot.
très joli CR. Merci pour le lien vers mon blog.
Laurent
Je me permets d’ajouter ici la page de mon blog en lien avec le site de la TSR sur l’emission intitulée « le vin des poètes », où l’on voit et entend un Christophe (il n’est d’ailleurs pas seul) en grande forme, et étonnament disert et à l’aise devant la caméra) :
http://vins-confederes.mabulle.com/index.php/2009/01/08/171531-le-vin-des-poetes
où trouver les vins de l’ABBET à Paris ?
Pas sûr qu’ils y soient. Difficile de mettre Christophe au travail sur des formalités de douane…
A Paris je ne sais pas, mais sur le net on peut trouver les vins de Christophe Abbet sur le site suivant : http://www.rhonalia.com