Dans le jeune monde viticole québécois, quelques domaines se distinguent particulièrement par la qualité et surtout, par la typicité de leur production. Alors qu’on apprend graduellement à se servir des cépages hybrides les plus appropriés – ou parfois, à trouver un petit microclimat approprié pour le vitis vinifera – donner un sens au vin, n’est pas une proposition simple ou évidente dans ces domaines encore tout jeunes.
Un vigneron du Québec ne peut pas se prendre pour un Californien ou un Australien: pas moyen de bomber le torse avec des vins débordant de fruit extra mûr. Il faut donc trouver des moyens appropriés, en fonction du climat et des cépages, pour produire des vins équilibrés et harmonieux, dans les conditions offertes par dame Nature. Et pour ça, il faut se donner le temps: Comme un petit tour sur le site de l’Association des vignerons du Québec vous le montrera, les plus vieux vignobles québécois ont à peine plus de vingt-cinq ans, et nombreux sont ceux qui ont été plantés au cours de la dernière décennie. C’est peu de temps pour affirmer le terroir et établir un savoir-faire.
C’est par cette capacité à répondre aux conditions viticoles particulières du Québec que le vignoble Les Pervenches se distingue particulièrement. Au fil de plusieurs dégustations, j’ai pu constater le caractère tout à fait distinctif et la personnalité affirmée des vins du domaine.
Tout d’abord, le domaine de Farnham, dans les Cantons de l’Est, se distingue par la présence de chardonnay, qui profite apparemment d’un microclimat exceptionnel pour pouvoir mûrir convenablement sous le soleil d’ici. Je l’ai d’abord goûté dans une cuvée chardonnay-seyval très convaincante. Goûtée à l’aveugle, au restaurant, elle s’était avérée assez déroutante, avec une présence aromatique et une fraîcheur qui faisaient songer à la Loire, voire même au Rhône (pour les arômes, mais pas pour l’acidité et la légèreté). Sympathique et bien fait.
C’est un autre vin de chardonnay de ce domaine cultivé en bio, qui m’a vraiment étonné et séduit. La cuvée O2, tirée d’une barrique de chardonnay « oubliée » dans un coin du chai, présente une étonnante combinaison de franche acidité, d’arômes oxidatifs et de boisé, avec un certain fruit. Rien de comparable au Québec, d’abord parce qu’il s’agit de chardonnay, et deuxièmement à cause de l’élevage prolongé en bois qui a donné au vin un caractère tout à fait unique.
La semaine dernière, j’ai enfin goûté, sur recommandation du sommelier de L’Initiale, à Québec, un rouge des Pervenches, la Cuvée de Montmollin (85 % maréchal foch, 15 % seyval noir). Excellente affaire. Beau fruit rouge, de jolies notes épicées, une acidité bien présente mais pas agressive. Un bon vin de soif qui se défendrait très bien face à un beaujolais, comme le disait le sommelier. Surtout en tenant compte du prix très correct de 16$ la bouteille au domaine. Sur une cuisse de canard braisé, ce Montmollin se tenait très bien, de façon assez harmonieuse.
Mais oublions la comparaison: l’important, me semble-t-il, est que ce vin offre ce qu’on appelle, en anglais, « a sense of place ». C’est un vin qui vient de quelque part, qui respire l’esprit d’un lieu. Et c’est sur cette voix que la jeune viticulture québécoise peut trouver sa place au Québec et dans la diversité des vins du monde.
Les propriétaires des Pervenches, Véronique Hupin et Michael Marler, ne sont pas seuls à travailler dans le respect du terroir et du climat québécois, bien entendu. Entre autres choses, j’ai à la cave un Saint-Sulpice 2003, du Domaine de l’île ronde, que j’attends depuis deux bonnes années pour voir de quel bois il se chauffe, et dont je vous reparlerai certainement un de ces quatre.
[…] Saint-Sulpice 2003, Domaine de l’île ronde En traitant du Domaine des Pervenches, l’autre jour, j’avais évoqué le beau travail viticole du Domaine de l’île ronde, le premier […]